Résumé de la proposition de loi fédérale américaine «EARN IT»
Après avoir tenu des auditions et adopté des rapports, c’est une proposition de loi qui vient d’être déposée par les sénateurs Graham, Blumenthal, Hawley et Feinstein sur le sujet de l’exploitation des mineurs en ligne. Celle-ci vise à «encourager l’industrie technologique à prendre l’exploitation des mineurs au sérieux».
À première vue, l’on pourrait se réjouir que le Sénat américain se penche sur la question de l’exploitation des mineurs en ligne. Mais, l’analyse de cette proposition a tendance à nous laisser penser qu’elle n’est qu’un voile masquant un autre sujet.
La relativement courte proposition (de 19 pages) n’élabore pas de principes de protection pour prévenir des comportements d’exploitation de mineurs en ligne puisqu’elle renvoie cette compétence à une Commission qu’elle instaure.
Composition de la Commission
Quinze membres composent la nouvelle Commission et trois d’entre eux la dirige. Il s’agit de l’avocat général (Attorney General, ci-après AG), le secrétaire à la Sécurité intérieur (Secretary of Homeland Security) et le Président de la Federal Trade Commission.
La présidence (notamment lors des réunions) de la Commission est assurée par l’avocat général (AG).
Rôle de la Commission
Le principal rôle de la Commission est «de développer et de soumettre à l’avocat général (AG) des bonnes pratiques pour prévenir l’exploitation des mineurs en ligne. Lors de l’élaboration de celles-ci, la Commission doit prendre en compte le besoin des services de fournir aux utilisateurs des produits de qualité, de la sécurité et de la confidentialité des données.
Ces bonnes pratiques ont des objectifs variés (le rapport avec la prévention de l’exploitation des mineurs en ligne n’est pas toujours parfaitement clair), parmi lesquels :
- l’identification, le classement et le signalement de matériel relatif à l’exploitation de mineurs ou à des abus sexuels sur mineurs
- travailler en coordination avec les autorités et les autres entreprises de l’industrie afin de préserver, retirer et signaler du contenu lié à l’exploitation de mineurs ou à des abus sexuels sur mineurs
- conserver les preuves et les éléments d’identification des personnes liées à l’exploitation de mineurs ou à des abus sexuels sur mineurs
- recevoir et trier des signalements liés à l’exploitation de mineurs ou à des abus sexuels sur mineurs par des utilisateurs des services
- instaurer un système de notation afin de classer les images et vidéos en fonction de leur intensité
- utiliser des limites d’âge et des systèmes de vérifications de l’âge
- employer des classifications par âge
- sous-traiter les services liés à l’exploitation de mineurs ou à des abus sexuels sur mineurs à des tiers
- proposer des contrôles parentaux pour permettre aux utilisateurs de réduire les sites internet consultables et accessibles aux enfants.
Une fois que ces bonnes pratiques ont été adoptées, elles sont envoyées à l’avocat général (AG) qui doit les vérifier. S’il l’estime nécessaire, il peut unilatéralement les modifier. La version finale de ces bonnes pratiques est ensuite publiée.
La certification
Les services soumis à cette loi (« interactive computer service« ) doivent soumettre une certification écrite à l’avocat général (AG). Dans celle-ci, ils déclarent avoir conduit un audit sur la mise en œuvre de ces bonnes pratiques au sein de leur entreprise et confirme que celui-ci n’a pas fait apparaître de non-conformité.
L’application des règles
C’est l’avocat général (AG) qui agit principalement pour garantir la mise en œuvre des certifications et des bonnes pratiques. Les victimes peuvent éventuellement agir contre les services soumis à cette loi.
Ce qu’il faut retenir
Sous couvert d’agir contre l’exploitation des mineurs en ligne, les Sénateurs donne un véritable blanc-seing à l’avocat général (AG). Celui-ci est présent à tous les stades de la procédure : il élabore les bonnes pratiques, les adopte, les modifie, les publie et les fait appliquer.De nombreux commentateurs voient dans cette proposition de loi un risque pour la sécurité et la confidentialité des services en ligne. Selon eux, la prévention contre l’exploitation des mineurs en ligne n’est qu’un prétexte pour attaquer le chiffrement des communications et la vie privée en ligne.
Comment ne pas entendre de telles critiques lorsque l’on sait que les autorités policières n’ont actuellement pas les moyens pour enquêter sur les signalements qui leur sont présentés et que presque rien n’est fait pour enrayer ces pratiques ?
Ressources
Communiqué de presse de la proposition de loi du Sénat
Proposition de loi déposée par les Sénateurs Graham, Blumenthal, Hawley, et Feinstein
Communiqué de presse de l’EFF
Podcast du Daily sur les abus sur mineurs : part 1 / part 2